Cahier de mémoire n°13 : "Fauves".

- du 13 novembre 1981 au 17 février 1982 -


Quatorze ans et demi


Lundi 15 février 1982 - Je viens d'embrasser sur la bouche Laurent. Je suis dans le métro et je suis tellement excitée que j'écris. Je ne peux plus tenir. C'est la première fois que j'écris mes mémoires entre deux stations ainsi. Je suis morte! Je n'en peux plus. J'ai envie de tout casser, de frimer, de mordre, de me suicider, en même temps, de me rouler avec lui dans le sable.
Oh! je n'en peux plus. Je ne peux plus rien faire. J'ai surtout peur de passer pour une conne. Que faire? Je ne peux plus rien faire. Si j'allais le chercher? Oh non! c'est hors de question.
Il faudrait seulement attendre... Je n'en peux plus. Laurent, je t'aime. Je voudrais tout casser. Je ne pourrai pas attendre. Que faire? Suicide?
Je ne peux pas me calmer.
Ci-contre, sur mon cahier, (je suis calmée mais peux exploser!), ce sont des larmes qui ont réussi à s'échapper. Je pense à lui. Si j'allais le chercher?


Eh oui! j'ai été le chercher. Je suis sortie deux fois avec lui! Je n'arrive pas à l'embrasser correctement. Il a dû se dire: "Quelle folle. Elle est mignonne mais elle n'a aucune expérience." J'ai peur de ce qu'il va penser!
7 heures 30 : Quelle histoire d'amour! Demain, je risque d'être très gênée. Que faire? Quelle attitude prendre? J'aimerais qu'il soit là.

J'ai l'impression que mon coeur bout à force d'avoir des impulsions. Dans l'oppression, j'ai accumulé un gros caillot qui me fait mal. C'est incroyable. C'est peut-être purement psychologique mais j 'aimerais que mon coeur change de côté tellement j'ai mal à gauche.

 

Ici, le texte est transcrit dans son intégralité. Philippe Lejeune a écrit:

" Le journal est une musique qui fonctionne à la répétition, son rythme, ses blancs, sont indissociables de la mélodie. Lire un journal, c’est une aventure, une randonnée, un compagnonnage".

 

 

 

 


Griffonnée hâtivement dans le métro, cette note a été collée sur le cahier dans lequel Ariane-Annick a poursuivi son récit :

LE PREMIER BAISER