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Dernière mise à jour

de cette page:

le 15 mars 2023

 

 

 

 

 

10. 27 juillet 1984. Sais-tu que je ne pourrais être plus heureuse en ce moment ?

 

Hyères, le 27 juillet 1984

Chère Source, Que tes deux lettres arrivées en même temps m'ont fait plaisir !

Tu ne m'écris qu'une fois par semaine et en plus des lettres de plus en plus courtes .... Bizarre...

J'ai beaucoup de mal à lire les bouquins d'histoire; je n'arrive pas à synthétiser ce genre de texte. C'est beaucoup trop dense. Pour bien faire, il faudrait que je lise deux fois chaque chapitre du IIIme Reich en apprenant souvent par coeur. Je vais persévérer car ce bouquin me passionne. Vraiment, quel retard j'ai accumulé !

En économie, j'arrive à comprendre tout de suite en tout cas.
Au fait, Source, beaucoup de personnes me recommandent le yoga. Qu'en penses-tu ?

Sais-tu que je ne pourrais être plus heureuse en ce moment ? Toutes les conditions sont réunies. Non seulement je fais un maximum de sport, mais encore, je dors bien (je ne me suis jamais senti aussi en forme).

J'ai un appétit féroce... et mon travail intellectuel n'a jamais été aussi satisfaisant.
Je travaille beaucoup mieux en autodidacte.

Bon, Madame la Source, je vais vous quitter.

Je vous embrasse très fort.

........... Ariane

P.S. : Dites-moi ce que vous faites à Paris quand même.

 

***

- Il semble intéressant de lire ce qu'Ariane écrivait un an auparavent dans son journal (Cahier de mémoires Vanilla, n°17) pendant ses vacances de l'été 1983, qui contrastait avec la profonde détresse qui imprègne l’ensemble de son journal:

 

Cahier de mémoires - le 7 août 1983:

[...] Vous savez, l'amour c'est tellement fabuleux, je suis tellement heureuse... Tout le monde dit que j'ai changé, que je suis devenue beaucoup plus chouette, intelligente, sympa. Il suffit d'être heureux. Je ne me pose plus toutes ces questions, je jouis de tout. J'aime tellement faire l'amour, j'aime tellement parler avec les gens.

Vous voyez, il y a plein d'idées qui me sont venues à l’esprit mais je m’en fiche, je ne les marque plus. Je préfère en parler.

 

 

 

 

***

Lettre - réponse de sa mère

Paris, le 30 juillet 84

Ma jolie poupée,
Nous sommes lundi soir et je viens de rentrer de Houlgate. J'y étais avec Philippe Mareuil. Il a fait un temps superbe et j'étais vraiment heureuse d'être avec un copain du métier (c'est-à-dire un comédien) avec qui j'ai pu disserter pendant des heures sur le métier de comédien. C'est agréable d'avoir des points communs: les mêmes soucis, les mêmes ambitions, les mêmes succès, les mêmes difficultés, bref de parler le même langage. Philippe a été adorable et - entre nous - j'avais davantage l'impression d'être avec une amie plutôt qu'avec un mec. En tête-à-tête, les gens sont souvent épatants.

En rentrant, j'ai eu le bonheur de trouver ta lettre, celle dans laquelle tu me dis avoir reçu deux lettres de moi en même temps. Non! Ma chérie, mes lettres ne sont pas de plus en plus courtes, mais comme je les écris à la machine, j'arrive à mettre en deux pages ce que j'écris en dix pages ordinairement! Tu me dis également que tu as beaucoup de mal à lire les bouquins, (cela s'écrit "bouquin" oui oui) d'histoire. Cela ne m'étonne pas que tu ne puisses en faire "la synthèse" puisque l'histoire est un puzzle géant et qu'il te manque à l'heure actuelle énormément de cases. Il est évident que pour comprendre par exemple l'arrivée de Hitler au pouvoir, il faut d'abord connaître la fantastique humiliation des allemands après le traité de Versailles qui a mis un point final à l'affreuse guerre de 14-18,  guerre dont nous, Français, avons été déclarés vainqueurs alors que les Allemands s'étaient battus comme nous avec un acharnement qui leur avait coûté des millions de vies humaines. Hitler, et son thème sur le "nationalisme" c'est-à-dire l'unité, la résurrection du peuple allemand, a galvanisé tous ces gens qui connaissaient en plus la misère, la vraie, celle du froid et de la faim. Ce n'est qu'un exemple, mais il est essentiel avant d'aborder les faits de bien percevoir les situations.

Amusant: Un de mes profs d'histoire nous disait que pour apprendre et "se souvenir" de l'Histoire, il fallait l'étudier sept fois. Cela m'avait frappée à l'époque. Si tu avais, en plus, écouté ce que je t'ai dit à propos du livre "Munich", livre moins rébarbatif que ton 3ème Reich, il n'est pas impossible que tu t'y serais retrouvée un peu mieux dans le labyrinthe des événements qui ont marqué l'avant-guerre.

Bref, ma poupée, quand tu liras "Munich", cela te passionnera peut-être davantage.

Tu m'écris que tu apprends par cœur certains passages du 3ème Reich. Bravo. J'aimerais, comme tu le dis toi-même, que tu aies une vue synthétique des évènements. Et plus loin dans ta lettre, tu m'écris que ce bouquin te passionne. Allons, tant mieux!

J'aime que tu aies un tel appétit d'apprendre.  Évidemment, ton travail d'autodidacte est plus passionnant puisque tu es motivée... par ta passion.

Enfin, tu me demandes ce que je fais à Paris: Eh bien la semaine je travaille, je vais à des rendez-vous, j'essaie d'être disponible pour le boulot puisque comme c'est cela que je gagne ma vie (il ne faut pas l'oublier... Et cela ne m'a pas trop mal réussi jusqu'à présent). Le week-end (week-end qui s'allonge de semaine en semaine), je suis à Houlgate. L'idéal, c'est d'y être avec une personne avec qui je m'entends bien.  (...)

Je vais aussi grimper à Fontainebleau. J'y vais seule, en toute fin de journée, à la fraîche comme on dit, et cela m'amuse un peu d'être suffisamment costaud pour envisager de grimper toute seule.

Et puis, surtout, je pense à toi. Je voudrais t'aider, te faire plaisir, que tu sois heureuse. Tes lettres   me ravissent,  j'y lis tant de bonheur, de joie de vivre. Je t'aime ma petite chérie.

Ta maman, La Source