LES DERNIÈRES LETTRES
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16. 12 juillet 1985. Dortmund. Je dois vous remercier pour ce que vous m'avez apporté de richesses.
Dortmund, le 12 juillet
1985 Je vais souvent à la Fac avec d'autres jeunes gens pour étudier et pour pratiquer en parlant. Tout le monde est très attentif. Je fais de tels efforts pour parler et comprendre que pour la première fois, cela ne me dérange pas de parler de choses superficielles. D'ailleurs, l'équilibre passe aussi par là. Qu'en penses-tu? Comment se fait-il que je n'aime que les discussions et les débats d'idées ? C'est pour cela que je ne me lie pas souvent car avant de trouver une entente parfaite sur tous les plans! Quand on se borne à parler du soleil ou de la bouffe, aucun problème. Que des sourires. Au sujet de la famille dans laquelle je suis installée, je te dirai que leur jeune fille de 19 ans est arrivée aujourd'hui. Elle est tellement laide que je n'ai pas du tout envie de lui parler. Le garçon de 24 ans, lui, est très gentil. Nous sommes souvent ensemble. La mère est adorable. Elle articule bien. Le père a une particularité assez remarquable: je n'ai jamais vu ses yeux! Il ne regarde jamais la personne à qui il parle. Voilà, Source, un tableau de la famille.
--------------------------------------------------------------------------------- Dortmund, le 15 juillet 1985 Chère Source, Je dois vous remercier pour ce que vous m'avez apporté de richesses. Déjà, la plus belle à mon avis: la curiosité. Quand un être humain ne s'intéresse à rien, il a envie de se suicider. Or, il y a toujours quelque chose qui me passionne. Maintenant, depuis ce voyage en Italie, je suis fascinée par l'architecture. J'ai eu une «période endormie» et il ne fallait que réveiller ce qu'une Source m'avait inculqué. Malheureusement, il y a beaucoup de choses que je ne supporte pas: les sautes d'humeur des autres, leur «recul». J'ai besoin d'une très grande constance; en fait, d'une fidélité. Je n'aime pas les couples qui n'arrêtent pas de se séparer...
Je t'embrasse, Source --------------------------------------------------------------------------------- Dortmund, le 23 juillet 1985 Chère Source, Finalement, je m'amuse extrêmement ici. Au sujet de ma lettre, tu ne m’as pas parlé de ce que tu pensais de «l'équilibre qui passe aussi par les choses superficielles». Je crois que tu n'as pas répondu parce que tu ne sais pas ce que c'est que l'équilibre, et aussi que les tâches quotidiennes et les «choses superficielles» te répugnent, bien qu'elles fassent partie de la vie et donc du bonheur! C'est dommage que tu ne m'aies pas enseigné cela. Là, Source, je vais travailler. Je t'embrasse.
--------------------------------------------------------------------------------- Dortmund, le 27 juillet 1985 Chère Source, Voici un petit mot d'adieu puisque je vais quitter l'Allemagne. J'ai eu unechance extraordinaire d'être tombée dans une famille aussi sympa. Mon voyage a été étincelant. Cela m'a fait un bien fou. Récapitulons ce qui a été positif: d'abord, j'ai acquis une bonne connaissance de la langue. Et puis, j'ai été très souvent avec des jeunes, c'est une expérience inoubliable. C'est fabuleux. Je réfléchissais à Richard et je me suis posé une question. Comment se fait-il qu'il n'ait pas un sens de l'humour plus fin vu qu'il a été pendant toute sa jeunesse en pension? En général, au contact avec d'autres jeunes, on développe un «sens de la blague». Humour qu'a mon oncle Michel, qu'a même mon prof d'économie. Je fais une hypothèse: si Richard n'a pas cet humour, c'est parce qu'il n'a pas d'imagination. Il n'a pas pu développer cette qualité à cause de sa mère. Moi, j'ai eu tout à ma disposition pour développer mon imagination. Et je sens qu'au contact de jeunes, pour la première fois de ma vie, je vais développer un humour extraordinaire. Déjà, avec Anny, c'était formidable. Voilà, Source, je te quitte.
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