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5. 4 juillet1984. Je suis sur une magnifique pente.

 

Londres : le 4 juillet 1984

Madame la belle Source,
Votre lettre m'a fait très plaisir. Je vous donne mon adresse du 15 juillet au 15 août : (...), Hyères.

Voilà madame la Source.
Je suis très cool ici. Je lis énormément et le reste du temps, je fais de l'anglais
(6 heures par jour). Je me sens très bien et je sais que je vais profiter de mes vacances encore beaucoup plus que l'année dernière. Car être bien dans sa peau signifie être bien partout. Ce qui veut dire que je passerai volontiers une semaine ou deux à la Vigne avec Odile en attendant la rentrée. J'en aurais été incapable l'année dernière.

Maintenant, tel un caméléon, je fais ce que j'ai intérêt à faire en tel ou tel lieu. C'est-à-dire que je "pillerai" le cerveau d’Odile et que je me baladerai très paisible dans la campagne.

Je suis arrivée à faire abstraction de mes problèmes (des problèmes d'ailleurs factices et c'est pour cela que je n'en parle pas) en étant ici en Angleterre dans un cadre totalement différent. Je n'ai aucun soucis, j'ai la seule ambition de nourrir mon cerveau de connaissances positives, d'expériences...

Vraiment, madame la Source, je suis sur une magnifique pente. Je n'arrête pas de progresser depuis deux ans. En ce moment, je fais un bilan de ce qui a changé en moi depuis un an et c'est considérable.
J'ai surtout acquis une grande force, une grande ambition qui n'est plus d'écraser les autres mais d'essayer de les comprendre et particulièrement de me comprendre.

J'ai, comme dit Rousseau, une petite voix intérieure "la voix de la conscience" qui me dicte ce que je dois faire. C'est donc ma sensibilité qui me guide (conception nouvelle, remarques-tu) parce que je ressens les choses rationnellement puisque je suis heureuse.

Je vais d'expliquer en quoi consiste une sensibilité "rationnelle" : quelque chose de naturel puisque sensible, qui guide vers la meilleure solution. Exemple : je ne suis pas jalouse des personnes que j'aime car au fond, si je les aime pour eux (elles) et pas pour moi (l'amour bêtement narcissique des amoureux), mon plus pur désir est qu'ils (elles) soient heureux. Donc, ils font ce qu'ils veulent. Ils ressentent mon équilibre et se rapprochent de moi naturellement.

Exemple n° 2 : une mère adore son enfant et évidemment veut que celui-ci reste toujours avec elle, qu'il ne grandisse pas. Ainsi, l'enfant a toujours un peu mauvaise conscience de ne pas être avec sa mère. L'amour non passionnel, non narcissique serait que la mère ne fasse jamais de petites allusions, des petits chantages. Mais les deux exemples que je viens de citer sont des approches de l'idéal.

La réalité est loin d'être aussi simple. Ceci dit, j'approche de cette conception de plus en plus grâce à une voix naturelle (à la place de la voix de la raison).

Vous voyez, Madame la Source, comme je progresse. Et surtout le point qui pour toi est le plus important est que je vous juge, papa et toi, objectivement.
Je ne t'en dis pas plus.

Je vais te parler maintenant de la petite citation : "le bonheur est d'avoir pour métier sa passion." Oui, évidemment. Cela dit, je pense qu'il faut poser des limites à cela. C'est-à-dire, pour moi, le vrai bonheur serait d'avoir plusieurs métiers (puisque plusieurs passions). Car considérons un exemple très simple : le ski. Les moniteurs sont tenus d'en faire 6 à 7 heures par jour, tous les jours, pendant 6 mois. Au bout de 20, 30 ans, c'est une obligation, ce n'est plus une passion. Je pense que pour jouir d'une chose, il faut tout de même une certaine modération.

Madame la Source, je vais vous envoyer la lettre car sinon, je rajouterais chaque jour une petite page et jamais vous ne la recevrez. Je vous embrasse très affectueusement Source.

Ariane
Je pense très très souvent à vous.
 
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